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Ce soir là chez Warum Joe ce n'était pas la beuverie aveugle et sans raisons; l'on fêtait une cinquantième : la cinquantième chanson gravée par le groupe sur un bout de vinyl, une cinquantième façon d'exister, pour un big band souterrain qui a enregistré autant de titres que Jimi Hendrix mort, des simples, des maxis, des trente... un défi permanent aux peaufineurs de maquettes et accros du 80 pistes, une démarche peu raisonnable qui est pourtant salutaire, quand on sait que les lois du bizz-bizz obligent à fabriquer des hits et seulement des hits; sous peine de confiscation des instruments et radiation à vie de l'ordre des musiciens, La devise de Warum Joe est simpliste et fait plaisir à entendre -"Quand un titre sort de la répétition ou même de notre imagination, il faut qu'on le sorte sur disque"- trop de laborieux et de végéteurs de la chose qu'ils appellent encore rock ont oublié que l'enregistrement d'une chanson pouvait être un plaisir. D'ailleurs, l'existence et le futur de Warum Joe ne dépend que de cela. "Warum Joe", disent-ils, "existera tant que l'on aura le matériel et les moyens d'enregistrer... les concerts, on ne peut pas dire qu'ils soient notre motivation principale; on aime vraiment en donner mais on ne cherche pas vraiment à en faire". Warum Joe, groupe historique (un groupe qui six ans d'existence et cinquante titres pressés est obligatoirement un groupe historique). Warum Joe est un pur produit de ce qu'a pu être la "punk way of life" à Paris en 1978/79, (bien que le mot pur colle assez mal au terme punk), après-midi de bière et de glandes aux Halles, toutes ces sortes de clichés et de tue-l'ennui obligatoires à l'époque; certains ne s'en sont jamais remis, d'autres ont acheté des guitares. Warum Joe (qui s'est d'abord appelé Action Joe) a préféré la solution du bruit que l'on fait dans une cave et des paroles que l'on écrit en se levant tous les matins du pied gauche; la haine qui dérangeait les passants, dérange maintenant les voisins... c'est l'histoire de tous vos groupes favoris. La différence avec les Pistols de votre quartier, c'est que Warum Joe, ainsi baptisé, a eu tout de suite de la chance, enregistrant très vite (et vite) un premier maxi; entrée en matière évidemment violente et sans retenues, hargne qui est la principale raison de votre premier disque, des paroles moins calculées que celles du soi-disant chantre de la rage adolescente de l'époque (ce bon-Bonvoisin, il est maintenant moins connu que Warum Joe) et l'originalité qu'ils revendiquent toujours avec fierté. |
les Warum Joe jouent bien trop vite pour s'encombrer d'un batteur idiot; Warum Joe, c'est quelques furieux enrichis d'une boîte à rythmes. Ils imposent dès leur premier 45 t., un son et une idée; jamais plus ils ne vont en démordre mais toujours ils vont mordre. "Tanzen", "Le goût...", "Toccare la Verita" autant de plastiquages sur plastique, autant de coups de griffes (qui est leur griffe), tout un parcours de combattants sur vinyl fait sans peur et sans reproche; leurs disques sont toujours un assemblage réussi de petits morceaux nerveux et piquants, à la manière du premier album de Wire qu'ils vénèrent. Hais leur boucan se fait toujours sans cancans; quittant rarement leurs banlieues, restant assez imperméables aux influences venues d'ailleurs, les Ramones, Buzzcocks, Wire, les premiers Bowie et Roxy, voilà leurs passions; jamais ils n'iront chercher dans l'air radiophonique du temps un brin de concession et de polissage : ils ont donné leur ton dès leur premier coup de gueule, ils n'ont aucune envie de ralentir le rythme de leur machine à décrire, Warum Joe existe d'abord pour lui-même. Douze exemples fiévreux de ce qu’a toujours été Warum Joe, douze raisons de penser que leur "Speed not Dead" est toujours de ce bas-monde; voici leur nouvel album, qu'ils disent plus pop que les précédents, parce qu'ils y ont collé quelques lignes mélodiques au synthé. La pierre est lancée : dès le premier titre "L.H.O", l'on sait que Wire n'est pas tombé dans les oubliettes et que leurs trouvailles mélodiques ont heureusement fait école, que les Warum Joe sont de bons élèves, les morceaux de l'album défilent dans un même sale esprit : mélodies fielleuses du malheur, comptines amères sur charbons ardents, tout est fait de ce moule à souvenirs qui donna les Buzzcocks angoissés et les Ramones avec un demi sucre; punk mélodique si l'on veut, crachats enrobés de vraies musiques : ce disque est un incendie habilement maîtrisé. Leur moulin à paroles n'est pas non plus celui des inepties et des slogans faciles; il y a subtilité dans leurs dires et dans leur langage, des phrases comme "qu'as-tu fait du style/ et du fiel débordant du vinyl" ne sont pas les mots habituels des rebelles sans matière, la banalité est contournée et c'est heureux. Il y a quelque chose d'exemplaire dans leur combat rock et leur force tranquille; de l'intégrité et de la conscience presque professionnelle. |
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CHRONIQUE
DE "LA METHODE DU DISCOURS" Warum Joe fait figure de laissé-pour-compte dans le mouvement qui mit à l'honneur des groupes phares comme les Bérus ou Ludwig. Inexplicable. Ils n'ont pourtant rien à envier à leurs petits camarades : ni l'inspiration, ni l'énergie, ni le sens de l'humour indispensable. Déjà trois 45 à leur actif (deux maxis, un en 81 et un en 82, un mini en 83). un premier album en 84 et le deuxième aujourd'hui. 10 morceaux enregistrés en une semaine, mixés en 48 h. Ils conservent la même ligne directrice mais le son s'affine, moins agressif, plus harmonieux. La recette: une boîte à rythmes plus performante, moins de guitare et plus de synthés. Le résultat: un album plus mûr, achevé, qui ne pèche que par un mauvais dosage voix/instruments. Rien n'est parfait! A la première écoute impossible de discerner les paroles. L'oreille s'égare au point de saisir "tous à l'asile !" là où il n'était question que de "tout ça, ma fille...". La structure des morceaux ne facilite pas la chose, d'accord, ça rime, mais ça ressemble plus à des petites nouvelles qu'à de banales chansons. Il y a celle du Russe privé de boisson, celle du journaliste qui aimerait qu'on n'oublie pas qu'il est retenu en otage, celle sur la cohabitation,...etc. Bien d'actualité, mais pas militant : un regard, des observations, une petite histoire. Pas de refrain, donc pas de phrase répétitive qui finit par se graver dans un coin de l'esprit, donc pas d'écoute passive ! Pas de lecture passive non plus s'il vous prend l'envie de suivre sur la pochette : les mots sont hachés, les phrases démembrées, les marques du pluriel isolées sans vergogne. Halte à la vivisection ! Mais enfin c'est la méthode du discours selon Warum Joe et Descartes n'a qu'à bien se tenir. |
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